vendredi 2 décembre 2011

Le travail souffre, c'est lui qu'il faut soigner !

Un entretien exclusif d'Yves Clot pour Metis


Vous êtes responsable d'une filière de formation de psychologues du travail. Pourquoi la prise en compte des risques psychosociaux (RPS) est-elle une fausse piste ?
Je regarde sans aucune arrogance le travail de tous ceux qui sont engagés dans une approche en termes de RPS ou de stress. On n'y échappe pas facilement aujourd'hui. Simplement, j'ai écrit ce livre, parce que la promotion de cette nouvelle catégorie de gestion des risques affecte l'exercice de notre métier. A partir d'un accord interprofessionnel sur le stress signé en 2008 s'installe un drôle de consensus autour de l'idée que les travailleurs n'auraient plus les ressources nécessaires pour faire face aux exigences de l'organisation. J'ai proposé de retourner le problème : et si on se mettait à considérer que ce sont les organisations qui n'ont plus les ressources pour répondre à l'exigence des salariés de faire un travail de qualité ? Alors, ce ne sont plus les travailleurs qui sont trop « petits », fragiles et à « soigner ».

C'est le travail et l'organisation qu'il faut soigner. C'est elle qui est trop étriquée et qui pousse de plus en plus de professionnels à endurer un travail ni fait ni à faire. Beaucoup de capacités et d'engagements sont gâchés, les ressources psychologiques et sociales des salariés sont gaspillées, leur énergie perdue dans des organisations qui la dissipe. Du coup, en schématisant bien sûr, il reste deux voies possibles ; soit on donne un nouveau destin à ces Ressources Psycho-Sociales refoulées, soit on ajoute à la « petitesse » des organisations actuelles une couche de gestion supplémentaire : la gestion des Risques Psycho-Sociaux. Mais c'est une couche de protocoles supplémentaire sur les protocoles existants. Comme vous le voyez, il y a RPS et RPS !  
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